Rainette arboricole
Hyla arborea
Identification
La Rainette verte est une toute petite grenouille : les adultes mesurent à peine 3 à 6 cm (souvent 3,1 - 4,4 cm), les femelles étant un peu plus grandes que les mâles, pour un poids de 3,5 - 10 g (souvent 5 - 7 g – Grosse & Günther, 1996). La peau plutôt lisse et brillante, de couleur vert pomme, est typique, mais sa coloration peut occasionnellement varier du jaunâtre au gris, à l’olive, voire s’obscurcir jusqu’au brun selon le support, la température et les émotions. Le ventre est blanc crème. Une bande grise ou noire couvre les flancs et s’étend jusqu’aux narines ; à l’arrière, elle forme en général un diverticule remontant au dessus de la patte. La Rainette possède de fines pattes dont les doigts se terminent par des disques adhésifs. Le sexe peut être déterminé par le gonflement du volumineux sac vocal gulaire des mâles mais aussi par l’observation de la gorge : brun - jaune et ridée chez le mâle au repos, blanche et lisse chez la femelle.
Cette espèce est le seul de nos amphibiens apte à grimper dans la végétation. Très homochrome, elle ne s’y révèle souvent que par un chant caractéristique étonnamment puissant pour une aussi petite bête (intensité de 86 - 89 Db à 0,5 m – Tester, 1990). De ce fait, les chœurs nocturnes peuvent se déceler à des centaines de mètres, parfois à 1 - 2 km. On la repère donc surtout la nuit, de mai à juillet, par temps assez chaud, souvent humide (même sous une pluie battante). Les appels des mâles, d’abord espacés, se succèdent ensuite en longues rafales saccadées de « kek kek kek kek », pouvant atteindre la minute (3 à 6 cris/sec., avec une fréquence qui peut être assez élevée en fonction de la température ; silence sous 10°C - Paillette, 1967). Des mâles isolés sont moins loquaces. Les chants atteignent leur intensité maximale entre 30’ et 2 h après le coucher du soleil ; ils cessent souvent vers minuit.
Les œufs bicolores (brun et jaune) sont déposés en petites pelotes sphériques de 2 - 3 cm de diamètre. Les têtards sont clairs, un peu dorés, reconnaissables à leur très haute nageoire caudale, qui débute peu en arrière des yeux et se termine en pointe. Ils atteignent 4 - 5 cm avant métamorphose.
Biologie
Dans nos régions, l’activité vocale des mâles de rainettes démarre vers la fin avril et s’intensifie dans la première quinzaine du mois de mai (Jacob et al. 2007). En général, les reproducteurs se regroupent au bord de l’eau, au sol ou dans la végétation proche, occupant chacun un petit territoire de quelques m2. Attirées par le chœur sonore des chanteurs, les femelles rejoignent ensuite le plan d’eau, se font approcher par les mâles qui les attrapent pour former l’amplexus axillaire. Les œufs, pondus par dizaines en petites pelotes sphériques qui se fixeront à la végétation à moins de 50 cm de profondeur (Mermod et al. 2010), sont fécondés dès leur sortie. La ponte peut compter plusieurs centaines d’œufs au total (moins de mille en général) sur la saison (Jacob et al. 2007). Les chants et la reproduction ont lieu du crépuscule aux petites heures matinales. Cette intense activité dure habituellement jusqu’en juin.
La métamorphose intervient en plein été, 2 à 3 mois après l’éclosion (Duguet & Melki 2003). Les juvéniles, une fois sortis de l’eau, entreprennent une large dispersion (sur plusieurs centaines de mètres) durant l’été. Jusque début septembre, il est encore possible d’observer des individus – surtout des juvéniles, mais aussi quelques adultes – dans le pourtour des zones de reproduction, dispersés dans la végétation buissonnante, souvent en hauteur (jusqu’à 2 m) et bien exposés au soleil. A l’entrée de l’automne, vers le mois d’octobre, les rainettes cherchent un abri (sous une pierre, dans une galerie, ou sous des végétaux) pour se protéger du froid. L’hivernage durera jusqu’à la fin mars ou début avril, la saison de reproduction s’amorçant ensuite avec le réchauffement printanier. Le développement chez cette espèce est particulièrement rapide, puisque l’acquisition de la maturité sexuelle se produit à 1 ou 2 ans chez les mâles et entre 2 et 4 ans chez les femelles. Dans la nature, les individus auraient une faible espérance de vie (4 à 6 ans).
Comportement
En journée, l'espèce se repère généralement dans la végétation buissonante bordant les mares de reproduction. En effet, grâce à ses ventouses, elle est capable de grimper relativement haut dans les feuillages. Elle cible principalement les buissons épineux (par ex. les ronciers) car ceux-ci lui apportent une protection supplémentaire face à la prédation. Il n'est pas rare de voir des rainettes franchement exposée au soleil, adoptant ainsi un comportement de thermorégulation assez unique chez les anoures de nos régions.
Par ailleurs, appartenant aux cortèges pionniers, la rainette est considérée comme une espèce dynamique, capable d’une grande mobilité. Une étude scientifique a pu démontrer que l’espèce pouvait se disperser sur un rayon de 5 km, avec des distances moyennes parcourues de 2 à 3 km. Cette capacité de colonisation de nouveaux sites de ponte dépend évidemment de la qualité écologique du paysage ainsi que de la qualité des éventuels corridors qui rendent possible la circulation des amphibiens au sein d’une « matrice » plus ou moins hostile. Les éléments arborés ou arbustifs rectilignes (haies, lisières forestières, cours d’eau, ripisylves) ou les bandes enherbées peuvent faire office de couloirs entre les différents habitats. Ce réseau d’habitats connectés est particulièrement important pour la rainette, car l’espèce fonctionne en métapopulation. Cela signifie que le risque d’extinction des (sous-)populations peut être élevé dans certaines « taches » d’habitat, mais que cela n’affectera pas nécessairement la viabilité de la (méta)population régionale, du moment que des (re)colonisations puissent « compenser » les pertes. Cette dynamique n’est évidemment possible que lorsque les différents habitats, potentiels ou occupés, sont connectés entre eux.
Régime alimentaire
Le régime alimentaire de l’adulte se compose d’une variété d’invertébrés capturés dans la végétation : diptères, fourmis, coléoptères, arachnides, etc. Comme chez les autres espèces d’anoures, les têtards de rainettes sont végétariens, mais ont un large spectre alimentaire : microalgues, fragments de végétaux supérieurs ou autres détritus glanés dans la colonne d’eau jusqu’en surface.
Habitat
Espèce de plaines (de basses altitudes) et de vallées, la Rainette arboricole recherche comme site de reproduction un plan d’eau stagnant bien exposé au soleil, situé dans un paysage ouvert ou semi-ouvert, et comprenant des berges en pentes douces. Ceci permet un réchauffement rapide de l’eau, accélérant ainsi le développement des œufs et des têtards – les températures comprises entre 15 et 30 °C sont idéales. La mare de reproduction peut tout aussi bien être temporaire, du moment qu’elle est en eau d’avril à fin juillet-début aout. En effet, l’assèchement annuel, qu’il soit naturel ou artificiel, permet de réduire la concurrence ainsi que la pression de prédation (par les poissons). Les plans d’eau pionniers sont appréciés par l’espèce, mais elle peut aussi occuper des sites plus ou moins matures comprenant une végétation suffisante pour servir de refuge aux têtards face à la prédation.
Les différents atlas, rapports de gestion et articles scientifiques s’accordent à dire que la rainette est capable d’occuper une large gamme de sites aquatiques, du moment que les conditions précédemment citées soient respectées et que des poissons n’y soient pas présents : étangs, mares (en prairie ou en lisière forestière, voire même au cœur des villages), prairies inondées, carrières, pannes dunaires, tourbières ou bras-mort de rivière. Les plans d’eau peuvent donc être de tailles variables, de quelques mètres carrés à plusieurs hectares – il doit tout de même y avoir une surface suffisante avec une faible profondeur (jusqu’à 50 cm). En général, les points d’eau dans lesquelles se développent les rainettes sont mésotrophes, clairs (turbidité faible à moyenne) et présentent une acidité peu élevée (PH de 6 à 10,2). Enfin, la présence d’une végétation buissonnante ou arbustive clairsemée dans un rayon de 100 m autour du plan d’eau semble être très favorable à l’espèce.
En été, l’espèce cherchera, soit dans les environs immédiats du plan d’eau, soit dans un rayon de plusieurs centaines de mètre, un habitat terrestre richement structuré, ensoleillé et à l’abri du vent. C’est d’ailleurs là qu’elle passera la majorité de son temps, et ce jusqu’à l’approche du froid automnal. Un milieu ouvert à semi-ouvert composé d’une végétation haute (prairie de graminées, friche ou mégaphorbiaie), ponctué de bosquets d’arbustes et/ou de buissons de ronciers, cerné de haies ou de lisières forestières, constitue un espace de vie idéal pour l’espèce. C’est dans cette végétation diversifiée, contenant des zones bien exposées et d’autres zones présentant un taux d’humidité suffisant, qu’elle trouvera les conditions nécessaires à sa thermorégulation et à son hydrorégulation. Ce milieu constituera également son terrain de chasse, et un espace où s’abriter des prédateurs. Lorsque les conditions sont réunies, l’espèce occupe volontiers les villages, les jardins et les potagers (spécialement dans les régions bocagères).
Pour l’hiver, la rainette cherchera une zone plus franchement arborée (forêt, bois, bosquet champêtre, haie dense), afin d’y trouver un abri (trou, souche, tas de pierre, litière de feuilles mortes, dépression humide, …) pour se protéger du gel.
Répartition et protection
Au tournant des années 1980-1990, la rainette arboricole a disparu de Wallonie. Depuis 2022, un programme de réintroduction de l'espèce animé par un groupe de volontaire et soutenu par Natagora a rendu possible son retour sur le territoire wallon. Pour en savoir davantage sur le Groupe de travail dédié à la Rainette, rendez-vous ICI.